Je joue à la vieille dame aigrie, celle qui regarde les jeunes vivre en secouant la tête avec des « de mon temps… » plein la bouche.
Je joue la vieille dame aigrie par tant de regrets et de jalousie.
Eux, les jeunes, malgré leurs difficultés plus grandes que les miennes, ils y arrivent. Eux.
Malgré l’absence de soutien ; malgré les mêmes injonctions ; malgré les phobies, l’anxiété et les autres troubles, difficultés, obstacles…
Ils y arrivent, eux.
Et moi, derrière ma jalousie, je fais quoi ?
Je déconstruis encore et toujours les mêmes injonctions qui me pourrissent la vie (que je laisse me pourrir la vie), je tente de réparer encore et toujours les mêmes dommages causés par ces injonctions et par l’anxiété.
Je baisse les bras la moitié du temps parce que « à quoi bon ». Je devrais juste accepter que je ne peux pas, que je ne serais jamais « moi », que je ne vivrais jamais ce dont je rêve. Et ce ne sont même pas des grands rêves, ce sont de tous petits rêves. Que les autres sont et font mieux, qu’ils savent mieux, que je suis toute petite et insignifiante et trop vieille de toute façon.
Je me réjouie pour et j’envie tout à la fois ces jeunes qui y arrivent, eux. Et je m’attriste avec eux, aussi.
En ce moment, je joue la vieille dame aigrie. Ce n’est pas le rôle le plus agréable, ni pour moi ni pour mes proches, mais c’est un rôle. Dès que j’aurais trouvé comment sortir du personnage, je vous préviendrais.
En attendant, moi, mon âge et mon aigreur allons boire une tasse de thé et caresser un chat.
Parce qu’être une vieille dame aigrie, d’accord, mais avec les avantages. Sinon, à quoi bon !
(P.S. Je vis aussi de très beaux moments, mais je ne sais pas toujours les raconter et les partager.)
(P.P.S. Je sais que ce n’est pas aussi facile que je semble le croire pour les autres, qu’il y a aussi ce travail de déconstruire et de réparer. J’en suis très consciente.)