[ Préambule : je ne fais que partager mon vécu, et je ne pense pas qu’il remette en cause ou en question le vécu des autres.]
Je sais que ce confinement est pour une raison grave et je suis consciente des conséquences négatives qu’il a et qu’il aura ensuite.
Je n’ai pas à sortir et le monde est calme alors pour moi c’est un repos bienvenu parce que nécessaire.
Je n’ai pas d’anxiété, je vis à mon rythme, j’ai la tête plus libre – même si je ne suis pas toujours là, comme je le dis dans mon article précédent.
Le monde d’avant était fatiguant et agressif et je me doute que ça va recommencer après, même si ce sera très probablement progressif, donc je savoure le calme tout en appréhendant l’après – pour ça mais aussi pour toutes les difficultés qui existent déjà et vont continuer. Je ne suis pas centrée sur moi, occultant le vécu des autres.
Je percevais les rendez-vous que j’avais comme des blocs noirs dans l’agenda que j’ai dans la tête, et j’avais du mal à me libérer de ça les jours où je n’avais rien alors qu’il y avait plus de jours dans la semaine pendant lesquels je n’avais rien.
Et suivant ce que j’avais fait dans la semaine et mon état du moment (qui varie en fonction de plusieurs causes internes et externes) j’avais de la difficulté à mobiliser mon énergie les jours « libres ».
En ce moment, j’organise mes journées en fonction de mon énergie et de ma fatigue. Je fais du yoga l’après-midi parce que ça me va mieux, je médite tous les jours parce que je me donne enfin ce temps, j’essaie de faire des tâches ménagères un peu tous les jours, je suis sortie une fois par semaine pour prendre l’air sans trop de stress (aucun la dernière fois), je reprends un peu l’écriture, et il y a des jours où je ne fais vraiment pas grand-chose.
Je ne vais pas faire les courses, mes parents se sont désignés comme acheteurs, donc grâce à eux je n’ai pas à subir la musique dans les supermarchés – encore plus forte, apparemment, vu qu’il n’y a plus les gens pour assourdir le bruit. Avant je pouvais avoir besoin de quelques heures à une journée, suivant ce que j’avais fait le même jour, pour me remettre après les courses (que j’essaie de faire rarement en supermarché, je complète dans mon village).
Quand on parle de la non-accessibilité de la société, on pense entre autre aux rampes pour fauteuils et à toute l’accessibilité liée à la possibilité de se déplacer – et ce serait bien qu’on avance réellement dans ce domaine.
Les personnes neurodivergentes ont d’autres difficultés, d’ordre sensorielles notamment. La lumière des néons est vraiment fatigante pour moi, et pour d’autres elle est insupportable.
La musique court-circuite mon cerveau et m’agresse fortement – au point d’avoir fait des crises de larmes et violence magistrales en rentrant des courses pendant des années. Encore récemment j’ai pleuré en faisant les courses parce que même avec mes boules Quiès j’entendais clairement et trop fort la musique et que je ne pouvais plus me concentrer.
Les odeurs peuvent être très difficiles à supporter pour beaucoup, les textures également.
Je ne parle pas des difficultés à comprendre certaines instructions ou informations.
Nous sommes « trop sensibles » pour la société dans laquelle nous vivons, et pourtant régulièrement des personnes qui ne sont ni autistes ni neurodivergentes me disent que pour elles aussi c’est une agression.
La différence est que leur seuil de tolérance est plus élevé et qu’elles ne feront pas de crise d’effondrement (melt-down) ou ne s’éteindront pas (shut-down) à cause de ça. Mais ça se ressentira dans leur humeur plus agressive, par exemple. Les effets sont plus subtils donc c’est plus difficile de faire le lien, peut-être, ou de le voir comme un réel problème. Pourtant c’en est un, pour tout le monde mais plus particulièrement pour nous, et il me semble que rendre la société accessible à tou-te-s serait bénéfique pour tout le monde.
On voit aujourd’hui que les leçons et le travail se font à distance alors que bon nombre de personnes handicapées et malades chroniques se voient refuser des aménagements.
Je sais que dans certains cas ça peut être compliqué, mais il me semble que dans beaucoup de cas c’est un manque de volonté à s’adapter. Les personnes handicapées et malades chroniques sont souvent perçues comme un poids pour la société, improductives etc. alors que beaucoup ont énormément à apporter au monde du travail – et que nous apportons tou-te-s à la société d’une manière générale.
Quand vous sortirez, souvenez-vous de ce qu’est de rester chez soi parce que l’extérieur n’est pas accessible (et hostile) et pensez aux personnes dont c’est le quotidien. Souvenez-vous de la solitude, de la frustration … Et souvenez-vous que communiquer et socialiser en ligne est aussi valable qu’en direct, et qu’on peut très bien faire une soirée apéro ou séries chacun-e chez soi, que ce soit par téléphone, en visio, ou par messages.
Personnellement, si je n’ai pas à sortir, ça me va, vous l’aurez compris. Je me porte volontaire pour rester en confinement. Les seules choses que j’ajouterais sont marcher sur la plage, faire notre déjeuner et série du dimanche avec ma mère, et voir mon amoureux, et ce serait parfait.
Aujourd’hui cela fait 4 semaines que nous sommes confiné.e.s et hier (13 avril) nous avons appris que le confinement durerait 4 semaines de plus (jusqu’au 11 mai). Je l’écris pour savoir, quand je relirai ces articles, pour me souvenir. J’ai écrit cet article la semaine dernière, en même temps que le précédent, et j’avoue qu’hier soir j’ai eu un moment de doute. Comment vais-je vivre ces 4 prochaines semaines ? Je ne sais honnêtement pas, mais je doute que ce que je dis dans cet article change.
Bon courage à nous tou.te.s, quelque soit notre situation. Et je vous envoie plein d’amour.