Le gnome de la maison de retraite

Les contes du (re) confinement

Si vous n’avez pas lu les précédents contes, allez les retrouver dans la catégorie « Les contes du confinement ».

 

Georges contemplait le jardin par la fenêtre de la grande salle quand il vit du mouvement dehors.
Ce n’était pas un écureuil, ça n’avait pas la longue queue en panache, et ce n’était pas un oiseau.
Georges, étant de nature curieuse et ayant besoin de prendre un peu l’air – qu’est-ce qu’ils ont à chauffer autant, ici ? – se dirigea vers une des portes qui mènent au jardin.
En chemin il croisa Beth, la gentille aide-soignante – pas comme certains…

« Vous allez prendre l’air, Monsieur Dubois ? »

« Oui, il fait trop chaud ici, et puis j’ai besoin d’un changement d’environnement, si vous voyez ce que je veux dire. »

« Je vois très bien, oui ! » dit Beth en riant.

Monsieur Dubois avait beau avoir besoin de plus d’aide et de soins que ce qu’il aurait eu chez lui, il faisait partie de ces personnes âgées qui s’ennuyaient ferme dans une maison de retraite. Le personnel faisait ce qu’il pouvait pour leur trouver des activités et des divertissements, mais entre le fait qu’il fallait plaire au plus grand nombre et le manque de moyens – financiers et de personnel – les offres étaient limitées.

Beth l’interpella avant qu’il passe la porte :
« Vous devriez mettre une veste, il fait froid, et le contraste ne va pas être bon pour vous. »

Georges balaya son conseil d’un mouvement de main.
« Je ne vais pas être long, je veux juste voir quelque chose de plus près. »

Et sur ces paroles, il sortit.

Il n’eut pas besoin de contourner le bâtiment et de revenir devant la salle puisque l’étrange animal était venu à lui, ce qui l’arrangeait bien étant donné qu’il n’avait ni envie de se donner en spectacle, ni de passer trop de temps dehors. Beth avait raison, il faisait un froid de loup.

L’animal était perché sur la branche d’un arbuste. Georges n’aurait pas su dire ce que c’était mais ça ne poussait pas assez haut pour faire de l’ombre. Les fleurs étaient jolies, par contre, et égayaient le jardin au printemps.

« Mais qu’est-ce que tu es, toi ? » Dit Georges en s’approchant doucement.

L’animal ne bougea pas.

« Mais ! Alors ça ! Ça y est, je perds la boule ! »

Georges avait devant les yeux ce qui semblait être un lutin : un petit être humanoïde d’environ 15 centimètres de haut, vêtu de marrons et de verts sombres. Il aurait été bien camouflé si ce n’était son chapeau pointu vert vif, qui tranchait avec les feuilles autour de lui.

La petite créature parla assez fort pour que Georges – un peu dur d’oreille – entendit, étrangement.

« Bonjour Monsieur Dubois ! Je suis très content que vous m’ayez vu ! Je suis Tom, le gnome de la maison de retraite. »

« Je suis certain de perdre la boule, mais au moins c’est divertissant. D’accord, Tom, je vais faire comme si je croyais que tu es vrai. Et appelle-moi Georges ! »

Tom lui apprit qu’il vivait ici depuis 70 ans. Il avait emménagé là parce qu’il avait eu envie d’apporter de la joie aux personnes ici, qui semblaient très seules. Il était encore célibataire, mais il espérait trouver une gnomette avec qui se marier et avoir des jumeaux – comme dans toutes les familles gnomes. Ce n’est pas très varié, mais au moins on peut s’y préparer. Quoi que de nos jours, avec tout le bazar que mettent les humains dans la nature, ça pouvait changer.

Georges finit par rentrer mi-convaincu de perdre la tête, mi-content de s’être fait un nouvel ami. Tom était très cultivé et avait beaucoup d’histoires à raconter, ce qui présageait de longues conversations agréables.
Il envisagea d’en parler à Pierre, son petit-fils, quand ils s’appelleraient en vidéo – Pierre lui avait offert un smartphone pour leur permettre de se parler et de se voir à distance pendant l’épidémie – mais il se dit qu’il allait l’inquiéter.
Quoi que… Georges avait toujours été l’excentrique de la famille. Il pouvait toujours prétendre qu’il s’était mis à écrire pour passer le temps.
D’ailleurs, il pourrait écrire cette histoire. Ce serait distrayant pour lui, et peut-être pour d’autres.
Il allait falloir qu’il demande un cahier et un stylo à Pierre, tiens.

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