Non-binarité de genre et spiritualité

Je sais depuis au moins l’age de 10 ans que je ne suis pas – pas toujours et pas tout à fait – une fille.
J’ai pu commencer à mettre un nom dessus vers 25 ou 27 ans – genderqueer* d’abord, en anglais, puis « non binaire ». Je me définis comme ayant une identité de genre fluide (c’est à dire qui fluctue).
Je commence depuis peu à vraiment l’exprimer – ne plus me corriger quand j’écris ou je parle de moi au masculin, l’afficher dans ma bio sur les réseaux sociaux, porter un binder** et des vêtements « d’homme ».

D’un point de vue psychologique, je pense avoir des traits qui rentrent dans « trouble de la personnalité multiple ».
J’ai clairement une (partie bien définie de ma) personnalité « fille » et une « garçon », avec une influence de l’une sur l’autre, et une fluctuation plus fluide entre les deux. J’exprime cependant plus souvent la partie fille ou « entre les deux » que la partie garçon, probablement par habitude.

D’un point de vue de spiritualité et de développement personnel, je me suis questionnée sur plusieurs sujets.

Est-ce que cette partie garçon est en fait l’expression d’une âme jumelle ou d’un jumeau qui ne se serait pas incarné ?
J’ai fait un rituel pour guérir cette blessure potentielle.

Est-ce que je rejette le féminin en moi ?
J’ai découvert l’activisme menstruel et le mouvement autour du féminin sacré quand je travaillais avec une marque canadienne de serviettes intimes lavables.
Je n’ai aucun problème avec mes menstrues, j’aime la lune, je ressens clairement le féminin sacré en moi et dans le monde.
Ce qui me pose problème, en revanche, c’est cette injonction de revenir à la déesse que les femmes sont sensées être. Je ne suis pas une femme. Je ne suis pas un homme non plus. Je suis quelque part entre les deux. Du coup, j’ai toujours eu cette sensation désagréable que le mouvement du féminin sacré me demandait de nier une partie de moi.
Et j’avoue que depuis que je découvre les identités de genre je questionne beaucoup l’inclusion de ce mouvement envers les personnes transgenres et non-binaires.
*Soyons clairs, je parle de mon ressenti personnel. J’ai bien compris la nécessité des tentes rouges par exemple. *

Du coup, je jongle entre les injonctions habituelles de la société et celles de la spiritualité. Et je ne me retrouve nulle part.

On m’a dit récemment  « Le monde va vers des êtres androgynes ». Bon, je suis juste en avance en fait ?

Pour moi (= mon ressenti) il y a une énergie qui se scinde en deux : « féminine » et « masculine » – on les appelle comme ça, on pourrait leur donner de nouveaux noms. La féminine sera plus les idées, l’inspiration, et la masculine l’action, la mise dans la matière. En fait, s’il y a exclusivement l’une des deux, rien ne se fait.

Nous avons tou-te-s ces deux courants en nous, nous les utilisons plus ou moins.
Dans le milieu de la spiritualité on parle parfois de réunir le féminin et le masculin en nous.
Peut-être que les personnes comme moi auraient envie et besoin de savoir qu’elles n’ont rien à réunir, que les deux courants dansent et que ce n’est pas toujours le même qui guide, et que c’est parfaitement normal. (Ce qui est valable pour tout le monde.)
Qu’on peut aimer son corps (et ses menstrues) même si une partie du temps il ne ressemble pas à comment nous nous sentons (ce qu’on appelle dysphorie de genre) – et que si on n’y arrive pas c’est ok aussi.
Qu’on peut être un être divin sans avoir à choisir entre dieu patriarcal et déesse sensuelle – ou qu’on peut passer d’un dieu à une déesse, en les imaginant comme on veut.
Qu’on peut se sentir « maternelle » et être un homme.
Qu’on peut être un guerrier et une femme.

En fait, on peut se créer son propre chemin, sa propre spiritualité, sans prendre pour soi de nouvelles injonctions.
Vous seul-e-s savez qui vous êtes.
Et, au-delà de cette identité, vous êtes tout ce qui est, vous êtes la vie qui s’explore elle-même.
Vous êtes, tout simplement.

(Oui, je me le rappelle aussi 😉 )

*Genderqueer et identités de genre non-binaire sur wikipédia
(si vous avez un autre lien, n’hésitez pas à me le proposer en commentaire ou sur twitter)
** binder: haut qui comprime la poitrine

5 réflexions au sujet de « Non-binarité de genre et spiritualité »

  1. Ohhh je viens de tomber sur ton article, quelle joie de te lire… je me sens aussi comme non-binaire et je passe mon temps à décortiquer cette idée de « féminin » et de « masculin » dans ma tête… mais pour moi ce sont juste des émotions, des ressentis (créativité, réflexion vs action, expression etc), et évidemment que l’un ne va pas sans l’autre vu que tout être qui s’accompli a besoin de toutes les émotions pour le faire… pourquoi catégoriser et assigner ces « émotions » au « féminin » ou au « masculin » ? Je trouve aussi cette tendance pas inclusive, car même s’ils disent que tout le monde a ses deux énergies en soit (personnes trans, non)binaires etc), c’est encore reconnaître deux genres. Pourquoi la femme serait-elle plus connectée à la nature que l’homme, alors que celui-ci est également produit à la nature et nécessaire à la création de la vie? Bref, ça m’a soulagée de te lire… merci!

    • C’est très étrange de relire cet article 4 ans après.
      Je ne sais pas trop où j’en suis aujourd’hui. Je n’exprime plus que rarement ma non-binarité parce que c’est compliqué et parfois douloureux, mais aussi parce que ce n’est plus un besoin pour moi. Ou est-ce que j’étouffe ce besoin? Grande question.
      Je suis contente que cet article te parle et t’apporte quelque chose. C’est ce que j’espère quand j’écris, et c’est chouette de savoir que c’est le cas!

  2. Je me reconnais tellement dans ce que tu dis là ! Merci

    Je suis une meuf trans NB et je partage ce truc de personnalités multiples, malheureusement pas mal un handicap, car j’ai le côté homme mature d’un côté, « adapté » en société, mais j’ai aussi ce côté petite fille, très très très immature, et que je n’arrive pas vraiment à faire grandir, et malheureusement complètement inadapté.

    Heureusement qu’il y a la spiritualité, cela m’aide beaucoup. Et aussi le fait que j’ai cette chance inouïe de pouvoir « grandir » en clinique psychiatrique, où j’ai tout le côté sécure et care qu’il m’a manqué dans ma vie pour faire grandir mon côté féminin. Mais qui a aussi ces limites, malheureusement.

    J’ai aussi ce truc d’ame fraternelle qui ne s’est pas réincarné, et je voulais te demander si tu souhaites le partager ici ou par mail qu’elle était-il ? J’aimerais en faire un, mais je sais malheureusement que je n’ai pas l’énergie seule de le réaliser, au vu de mon état.

    Enfin dernier truc, et c’était ma motivation à la base qui m’a fait tombé sur ton article, je trouve dommage qu’on n’ait pas une « communauté spirituelle francophone de personnes nb », je pense que ça m’aiderait et nous aiderait grandement. Pour le coup c’est mon seul côté féminin adulte.

    Merci beaucoup encore pour ton article, je le garde en mémoire

    Take care,

    Lulia

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